À propos

Née en 1972 à Albi, vit et travaille à Lavaur, Tarn, France.

« Je commençais l'ouvrage. Je traçais, à la peinture noire, sur la longueur d'une grande feuille, une ligne droite se terminant par trois points. L'ouverture était faite. Je ressentais l'espace du dessin et ma première dilatation.

J'ouvrais encore et remplissais des cahiers de traits. L'écriture impulsive, spontanée commençait à fouiller. Le trait me tenait et me guidait.

Sans m'y attendre, il fit apparaître le profil d'une jeune femme. Je la voyais, vivante. J'eus peur. Je sortais de chez moi, montais dans la voiture et roulais. Sur la route rapiécée, les formes géométriques du goudron défilaient. Le trait prenait formes.

Dans un élan continu, une danse tourbillonnante, je les cherchais. Sur les motifs du sol en céramique, sur les plis du drap du lit, sur les traces laissées par la brosse du badigeon, et sur le dessin, des visages expressifs se dévoilaient et élargissaient l'espace. J'étais grisée.

Un creux et une courbe se détachaient d'un drapé d'une sculpture du moyen-âge me propulsant vers une immensité. Je flottais.

Ma peur originelle n'était cependant pas veine. Mon esprit voyageait mais j'oubliais mon corps.

Je sortais alors à nouveau et j'allais dans la forêt. Posée dans les couleurs changeantes et la lumière instable, je dialoguais avec elle. Elle m'appris le langage de la Nature. Elle me donnait des messages d'amour, de paix et de joie. Je connus la terre et les racines. Je trouvais la source primordiale, les gestes de mes mains coulaient. Le trait faisait lien.

Pourtant, la lumière m'éblouissait et m'aveuglait. Traits par traits, non sans peine, je creusais alors vers d'autres profondeurs pour trouver les ombres. Simultanément, dans un mouvement qui semblait opposé, je partais vers les plus hautes montagnes. Là-haut, avec l'aide des Dieux, je mélangeais mon sang à la terre. Le trait prenait corps.

J'appris la clarté et l'union des contraires. La lumière qui émanait de l'arbre était aussi la mienne. Le trait unifiait.

Les cellules de mon corps s'imprégnaient. J'apprivoisais les nouvelles connaissances.

Déterminé, intuitif, le trait, comme un champ d'expérience et un manifeste de l'humain, faisait émerger le dessin à la surface du papier. Le vide dense parlait. Je persévérais, et ma réalité augmentait... »

Marie-Agnès Verdier

Mars 2020

Il y a cette grande maison vide à présent. Les murs baignés de lumière accueillent maintenant les oeuvres. De haut en bas, de bas en haut, elles s’installent à tous les étages. Les peintures, les dessins, les volumes, de grands ou de petits formats, de papiers, d’aluminium ou de terre, s’épanouissent au coeur de l’intime effacé. La circulation est colorée, les formes, impacts ou motifs dessinent un parcours pour le regard.

Dans ces espaces, où les rires et les joies des enfants se mêlaient au chant et aux petites fantaisies des parents, la spontanéité parait simple essentielle. Poser un trait, l’effacer puis laisser venir le bleu des arbres, imposer le blanc, retenir par le volume et le dessin la trace de la nature. Le jaune, les rouges face aux violets, aux verts sont un geste, des émotions. Les forêts rythment l’ascension de la cuisine aux chambres, annonçant, guident. C’est à une balade du regard à laquelle nous sommes conviées.

Les Extra-terrestres retrouvés au détour d’un couloir sont comme débusqués dans un cabinet de dessin auprès des livres et autres feuillets. Tous s’épanouissent sous le trait de la plume ou du feutre répété, appuyé, repassé. Les forces jouent jouent des coudes dans la maison, les jeux graphiques distillent un plaisir à laisser s’épanouir les sensations.

Dans l’escalier au plus près des forêts, on se surprend à passer notre nez à la fenêtre et ici même, à nouveau  la couleur attrape.

La joie est là.

Le récit graphique exprime à cet instant les mélancolies, les peurs, les soupirs, les bonnes humeurs, les attentions. Il y a dans ce travail un vrai plaisir à saisir le vivant.

J’aime à penser que la création ressemble à cette indicible liberté, celle qui explose sur les murs de cette maison. 

Texte écrit pour Marie-Agnès en pensant très fort à mon amie Véronique.

Valérie Mazouin, Directrice centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques. Octobre 2020.

«  Les arbres me dansent » avec Karine Sancery, La Resse juillet 2020.

Photographie Patrick Nedelec.

 

Atelier Bois Pratviel, septembre 2019.

Photographies Patrice Dion.

 

 

     

 

 La leçon inaugurale de peinture de Marie Agnès Verdier devrait sans doute s’appeler : la main qui commande. Cette main affranchie qui, pourrait-on dire sous forme de boutade, n’en fait qu’à sa tête, libérant ainsi ses propres formes, ses couleurs singulières, sa vie qui n’est pas seulement qu’une ligne droite sans histoire. Mais une fois tracé le premier trait, il faut bien dérouler la petite pelote de l’inconscience subtilement banale, de l’imaginaire aux aboies derrière la raison du monde raisonnable. Chevauchant ainsi les grands flux mystérieux de l’instinct, surgissent sur la page blanche ces dessins étonnants, ces figures incongrues, ces coups et à coups de crayons, ces minuscules bouts de rien entre l’enfance revenue le temps d’un carnet intime et quelque chose d’autre qui pourrait bien être l’inspiration ou le souffle de l’art. Un art dont on ne dira pas qu’il est brut, mais brutalement évacué de la manière et de la matière rationnelle, du réfléchit ou du calcul. Au commencement donc était le lâcher prise et le laisser faire qui engendrèrent au bout du compte des objets libres d’être ce qu’ils voudront, capables de surprendre le spectateur comme l’artiste elle-même. Cela s’appelle aussi la transmutation, lorsque l’alchimie du geste innocent l’emporte sur le concept implacable, lorsque l’intellect découvre la multiplicité des mondes intérieurs où se fomentent d’autres représentations possibles du réel. Dès lors, gardons nous d’évoquer la naïveté comme référence artistique, la spontanéité et la pulsion préférant évacuer l’histoire, le temps d’un geste du moins, pour mieux illuminer et combler la feuille blanche. Parlons plutôt de fraîcheur, d’éclat ou, pourquoi pas, de grâce si, en élargissant la définition de ce mot,  nous considérons que Marie Agnès Verdier a bien voulu s’accorder une faveur : celle de croire qu’un immuable précède toujours une pensée. Et qu’il est encore permis, dans ce monde livré à la matière dominante, de dérober quelques chose à l’invisible qui nous fait. Ainsi commande la main.

 

                Jean-Luc Aribaud,

                mars 2012.

 

 

            The inaugural painting lesson from Marie-Agnès Verdier should be called ‘the hand that commands’. This freed hand, one could say as a joke, goes to the beat of its own drum, liberating its own forms, its singular colors, its life that does not go straight from A to B. But once the first line has been drawn, the little yarn of the unconscious unravels, subtly banal, from one’s imagination stressed out behind the reason of the reasonable world. Riding thus the great and mysterious flux of instinct, amazing drawings appear on the white page, odd figures, these thrusts and hiccups of the crayon, these minuscule bits of nothing between childhood come back for a short while from one ‘s intimate diary and something else which could very well be art’s inspiration or breath. An art that does not call itself raw, but is brutally ejected from rational means and material, from sensible thought or calculation. At the beginning therefore was the letting go and the laissez faire which gave birth in the end to objects that are free to be what they want, able to surprise the viewer but also the artist herself. This is called transmutation, when the alchemy of the innocent gesture wins over the implacable concept, when the intellect discovers the multiplicity of interior worlds where other representations of reality surge. Then, let us not refer to naiveté as the artistic reference, as spontaneity and pulse prefer to evacuate history, at least while the gesture lasts, to better illuminate and content the white page. Let us rather speak of freshness, of spark or even of grace if, when enlarging the definition of this word, we consider that Marie Agnès Verdier bestowed on herself the following favor: that of believing that something permanent always comes before thought. And that, in a world captured by domineering material, we are still allowed to steal something invisible that makes us. And so commands the hand.